"Le long périple d'Hakim et Aïcha"
- Romane
Partie n°2
Après
un long silence, à attendre sans savoir ce qu'ils devaient faire, Aïcha demanda
:
« - Ça va prendre combien
de temps pour aller à Nice ? - Euh.. Je ne sais pas.. »
Un
vieil homme qui avait entendu leur conversation, se permit d'intervenir et de
répondre à la question de l'enfant :
« - A pied, cela prendra
de longs mois. Si vous prenez le bateau, ce sera certainement plus rapide… Une
chose est certaine, il nous faudra être courageux et faire très très attention
à l’accueil que nous recevrons, qui risque d'être… Violent. - Des mois ?! s'écria Aïcha qui était resté sur la première phrase.
L'étonnement
se lisait sur le visage de la petite fille. L'idée de marcher aussi longtemps
lui semblait impossible. Soudain, la foule bougea. Certaines personnes
abandonnaient, par peur de mourir. D'autres semblaient désespérées. Les
personnes les plus argentées se dirigèrent vers les côtes, à l'ouest, pour y
prendre le bateau tandis qu'un autre groupe composé de femmes et de leurs
enfants entamait une longue marche vers le Nord-Ouest. Hakim et sa sœur se
joignirent à ce groupe.
Il
savait que le chemin serait terriblement dangereux, que chaque pas pourrait
leur être fatal. Les terroristes qui devaient surveiller de très près les
migrations qu'il y avait dans le pays n'hésiteraient pas à agir violemment.
Souvent,
Hakim, qui se levait tôt, retrouvait des corps sans vie sur la place du
village… Il fallait effrayer ceux qui seraient tentés de partir. Il devait
alors retenir sa colère, réprimer sa tristesse et son dégoût face à ces
horribles spectacles et ne pas afficher cette horrible peur qui lui nouait le
ventre.
Durant
deux semaines, ils marchèrent. Les nuits étaient fraîches et les journées
pénibles. Ils s'approchèrent d'Istanbul, qu'ils devaient contourner pour éviter
d'être capturés puis emprisonnés. Encore quelques heures de marches et ils
attendraient le chemin pour contourner la ville. Soudain, un sanglot déchirant
perça le silence.
Tous
se retournèrent pour voir d'où provenait ce cri. Une femme pleurait, criait,
sanglotait. Elle regardait son enfant, un bébé de quelques mois à peine, dont
le bras pendait dans le vide. Tous comprirent. Le bébé était mort. Pendant une
demi-heure, la femme resta assise dans la boue, à bercer son enfant décédé et à
murmurer des prières tout en pleurant. Personne ne parla, personne ne l'obligea
à se lever. Tous s'étaient assis silencieusement à même le sol pour attendre et
avaient partagé sa douleur dans le plus grand silence. Enfin, elle se leva,
regarda les autres migrants avec un regard humide puis commença à marcher,
serrant son bébé.
Hakim
et Aïcha se levèrent comme tous les autres et suivirent la femme. Certains
avaient tenté de lui enlever son enfant des bras en disant qu'elle allait
s’encombrer et fatiguer. Mais chacun avait eu le droit à un regard meurtrier de
la part de la mère, comme si leurs paroles étaient maudites.
Un
mois qu'ils marchaient. Aïcha s'était souvent effondrée de fatigue ainsi que de
nombreuses personnes, principalement des enfants.
La
femme au bébé gardait toujours le corps de son enfant contre elle, même la
nuit.
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